Huit jours après la grosse saisie de produits stupéfiants opérée essentiellement dans le bassin montluçonnais, les premières condamnations sont tombées, ces dernières heures pour les protagonistes de ce trafic d'héroïne, de cocaïne et de cannabis d'ampleur. Représentants du parquet et de la gendarmerie ont tenu, mardi soir, une conférence de presse commune pour faire le point sur cette affaire "hors-normes". L'essentiel en trois questions.
Que sont devenus les treize individus interpellés?
Mardi dernier, 110 gendarmes ont été mobilisés pour l'interpellation coordonnée de treize personnes, dans le bassin montluçonnais, mais aussi à La Souterraine, en Creuse, et à Châtel-Guyon, dans le Puy-de-Dôme. A l'issue des 96 heures de garde-à-vue, une femme qui était "en contact permanent" avec la tête de réseau présumée a été libérée, car n'ayant pas "d'implication réelle" en dehors d'un rôle d'intermédiaire. Les douze autres protagonistes, en revanche, ont fait l'objet de poursuites.
Cinq d'entre eux, âgés d'une vingtaine ou une trentaine d'années, ont été jugés lundi, en comparution immédiate. Livreurs ou "gros consommateur qui dépannait des amis", pas ou peu connus de la justice pour la plupart, ils ont écopé de peines allant jusqu'à trois ans de prison dont un avec sursis. Quatre ont été maintenus en détention. Trois véhicules ainsi que des téléviseurs, ordinateurs, consoles de jeu ont également été saisis.
Quatre autres protagonistes présumés, dont deux sont suspectés d'être des têtes de réseau, ont demandé un délai pour préparer leur défense. Ils seront jugés le 3 juin prochain, par le tribunal correctionnel de Montluçon. Tous ont été maintenus en détention provisoire.
Un habitant de La Souterraine, qui venait s'approvisionner à Montluçon, pour le compte de son propre réseau a accepté une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Il a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis. Il est également sous les verrous. Un mineur âgé de 17 ans, chez qui a été retrouvé plus de 4,5 kgs d'héroïne, a été placé sous contrôle judiciaire. Il sera jugé par la juridiction compétente en juin. Enfin, un gros consommateur présumé fera l'objet d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en octobre prochain.
S'agit-il d'une affaire hors-normes pour le secteur?
"Oui", ont répondu de concert, hier, le procureur de la République Christian Magret, et le commandant du groupement de gendarmerie de l'Allier, le colonel Olivier Traullé.
110 militaires ont été engagés pour la phase interpellations, soit une vingtaine de plus que la totalité des effectifs de la compagnie de gendarmerie de Montluçon. Une cinquantaine de gendarmes ont également oeuvré durant les gardes-à-vue qui ont eu lieu dans dix lieux distincts, sur l'ensemble du département, en présence des avocats. Les six magistrats du tribunal judiciaire de la ville ont été mobilisés, tout comme les personnels du greffe, les personnels de la pénitentiaire pour l'extraction des mis-en-cause, pour les comparutions immédiates. "La Justice est allée au bout de sa capacité à juger. Il y a eu une organisation fine et un engagement total", a analysé le procureur de la République.
Une mobilisation totale en réponse à l'ampleur du trafic. "C'est un trafic professionnalisé", a pointé Christian Magret. En témoignent les quantités de produits saisis, 5 kgs d’héroïne, 231 grammes de cocaïne, 214 grammes de résine de cannabis et 352 grammes de produits de coupe. Selon les estimations du subsitut du procureur Christophe Da Costa, cela représente une valeur à la vente située entre 104.000 et 153.000 euros. Au delà, sur la période de prévention, qui s'étendait de novembre à avril, le magistrat évalue à "400.000 euros au moins, la valeur qui a pu circuler dans le trafic".
Que nous apprend cette vaste affaire sur l'ampleur du trafic de stupéfiants dans le bassin de Montluçon?
"C'est une opération qui traduit le développement du trafic, et sa diversification", a noté le colonel Olivier Traullé. C'est aussi la nature du produit saisi qui interpelle. Beaucoup d'héroïne, de la cocaïne, moins de cannabis. Un glissement, depuis plusieurs mois, qui interroge forcément. "Il y a une invasion de produits tels que l'héroïne et la cocaïne, s'est inquiété Christian Magret. Aujourd'hui, le produit marginal, dans notre ressort, c'est le cannabis".
La réussite de cette opération renforce en tout cas la volonté des autorités de faire face à cette nouvelle donne. Le colonel Olivier Traullé a insisté sur la volonté de poursuivre cette mobilisation.
Photo : Gendarmerie de l'Allier.